1-La pâte thermique, pour quoi faire ?

Pâte thermique usagée sur un processeur
Pâte thermique usagée sur un processeur

Que vous utilisiez un ordinateur portable, un serveur, ou un ordinateur de bureau peu importe. Si vous n’avez, ne serait ce qu’une fois ouvert le boitier et voulu nettoyer le dissipateur thermique, vous avez remarqué cette pâte parfois argentée, qui macule les doigts et que l’on désigne sous le nom de pâte thermique.

Vous vous êtes sans doute demandé à quoi cela pouvait il bien servir et pourquoi les réparateurs insistaient sur son remplacement régulier.

Et non ce n’est pas uniquement pour vous vendre un matériau dont vous ne comprenez pas l’utilité, mais relativement cher au demeurant, eu égard à son prix au kilo : 5€ les 4g… , çà laisse rêveur, je vous le concède. Et encore n’est ce pas la pâte thermique la plus chère et loin de là.

Mais comme en toute chose, s’il existe de nombreuses pâtes thermiques, toutes ne se valent pas. Leur composition peut être drastiquement différente, mais si vous ne connaissez pas la raison de cette différence de prix, choisir la plus chère, ne sera pas nécessairement ce que vous ferez de mieux. Et encore tout dépend de l’endroit où vous l’utiliserez, parce que pour complexifier le problème, toutes les pâtes thermiques ne sont pas utilisables partout et ne sont pas interchangeables.

Quelle est l’utilité d’une pâte thermique ?

Une pâte thermique est comme son nom l’indique une pâte utilisée pour transférer de la chaleur. Si nous prenons le cas du processeur qui n’en n’est qu’une de ses utilisations, on place la pâte thermique sur l’IHS avant de positionner par dessus l’élément qui va permettre la dissipation de la chaleur. Ce peut être un water cooling, un dissipateur thermique à caloduc, un ventilateur etc…

La question fondamentale est : « pourquoi doit on utiliser une pâte thermique « ? Ne serait il pas suffisant de positionner directement le dissipateur sur l’IHS ? Si vous ne connaissez pas l’IHS, lisez notre article sur le delidding.

Tout dépend de l’état de surface de chacun des éléments. Si chacun des éléments étaient rigoureusement plats et plans au micron près. On aurait pu l’envisager à condition toutefois que physiquement parlant les deux éléments soient réellement en contact. Ce qui présente déjà une difficulté puisque entre tous les matériaux même ceux qui semblent être en contact s’intercale une mince lame d’air. Il faudrait aussi que les matériaux soient aussi proches chimiquement que possible. Beaucoup de contraintes qu’il est plus simple de contourner en utilisant justement une pâte thermique.

Le surfaçage de l’IHS n’est pas suffisant, on peut apercevoir des aspérités, et des creux qui empêcheraient une parfaite jonction des deux éléments. Ces porosités affectent le rendement en permettant à l’air, très mauvais conducteur thermique de s’intercaler entre les deux éléments.

D’où l’utilisation de cette pâte thermique qui va intervenir comme assurant à la fois le contact entre les éléments tout en permettant aussi à l’intégralité de la chaleur présente sur l’IHS d’être transférée vers le dissipateur.

Or on sait que plus la surface d’échange est importante, meilleur est le transfert de chaleur.

La pâte thermique est un élément de transfert de chaleur, qui dispose selon son utilisation de propriétés spécifiques. Une précision la pâte thermique même éventuellement composée pour partie d’éléments métalliques devra être déposée en une couche la plus fine possible. En effet même si elle améliore la conductivité thermique des matériaux, celle-ci n’étant pas totalement métallique, son pouvoir de dissipation calorique sera moindre que celui d’un métal.

D’où l’utilisation dans certains systèmes de PCMA (Alliage métallique à Changement de Phase).

L’AlSi12 pourrait dans l’avenir jouer ce rôle.

Cet alliage métallique à changement de phase remplace de fait la pâte thermique. A une température d’environ 90-100°C, l’alliage devient liquide, remplit les micro porosités et permet un contact total entre les deux éléments. La nature métallique lui permet de transférer totalement la chaleur vers le dissipateur. Le changement de phase selon la température, lui évite de se déliter avec le temps, et donc son remplacement n’est pas une nécessité. Plus cher à l’achat, mais moins à l’usage et plus stable dans le temps. Au refroidissement le matériau reprend sa nature solide originelle. Il existe des matériaux à changement de phase qui réagissent à différentes températures, selon le besoin que l’on en a.

Quelles sont les propriétés d’une pâte thermique ?

Puisque la pâte thermique sert à transférer de la chaleur, le premier élément à considérer est sa conductivité thermique. Puis on s’intéresse à sa viscosité et à sa densité. Enfin et quoique le sujet ne soit pas le plus abordé on va se préoccuper de sa conductivité électrique, ceci n’est valable que dans les cas où la pâte thermique contient des éléments métalliques.

Les principales conductivités thermiques

Plus la conductivité thermique est élevée plus le matériau est conducteur de chaleur. La conductivité thermique des matériaux va souvent de pair avec leur conductivité électrique. La conductivité thermique s’exprime en W m-1 K-1 (Watt par mètre Kelvin). Il y aurait également un autre élément à prendre en compte qui est l’humidité.

  • Aluminium : 237 W m-1 K-1
  • Cuivre : 390 W m-1 K-1
  • Argent : 418 W m-1 K-1
  • Graphène : 4000-5300 W m-1 K-1
  • Air : 0,0262 W m-1 K-1

Même si l’utilisation d’une pâte thermique améliore grandement l’efficacité du dissipateur, ses capacités ne doivent pas être surestimées. Des mesures ont été effectuées sans et avec pâte thermique. Dans le premier cas on note une température de 0,66°C/W, dans le second une température de 0,50°C/W. Le process (reproductible) est décrit dans l’article que vous pouvez consulter ici, (à partir de « Testing« ), les résultats sont quelques lignes plus bas.

On se rend immédiatement compte de l’air est un très mauvais conducteur thermique et que se passer de pâte thermique revient à laisser l’air assurer le contact. De fait la dissipation de la chaleur sera extrêmement basse.

De fait la température de l’IHS va s’élever, celui-ci étant métallique, la chaleur va se communiquer au die, et le risque d’extinction de l’ordinateur est importante, puisque en cas de surchauffe du processeur, il existe une protection qui coupe l’alimentation (Attention, ce n’est pas obligatoirement le cas sur tous les ordinateurs, ni sur tous les processeurs ).

Si vous souhaitez améliorer davantage encore l’efficacité de la pâte thermique et réduire de quelques degrés la température du processeur, il est possible de polir la surface de contact du dissipateur (on recherche un effet miroir). Plus la surface sera lisse, plus grande sera la surface de contact. Pour gagner davantage de degrés envisagez d’avoir recours au delidding et changez la pâte thermique de l’IHS.

L’ utilisation d’une pâte thermique utilisant une suspension métallique disposant donc une conductivité thermique supérieure, sera à préférer. Le choix de chacune dépendra du budget que vous voudrez y consacrer.

Voici les différentes pâtes thermiques que vous pourrez trouver

1-Base céramique

On peut trouver les composés suivants dans une pâte thermique ayant pour base de la poudre de céramique blanche sous forme de gel :

  • Oxyde de Béryllium,
  • Nitrure d’Aluminium,
  • Oxyde d’Aluminium,
  • Oxyde de Zinc,
  • Dioxyde de Silicone (ou de Silicium),
2-Base métallique

Notez que les pâtes thermiques comprenant le terme « silver » et de couleur argentée contiennent des éléments métalliques. Mais ce n’est pas obligatoirement de l’argent, ce peut être de l’aluminium. Cependant leur dissipation est supérieure aux pâtes à base céramique. Mais une pâte thermique contenant des éléments métalliques est conductrice d’électricité, ce qui peut avoir des conséquences importantes sur votre carte mère au cas où vous en auriez trop mis.

3-Base Carbone

On peut trouver avec la base carbone, des pâtes contenant : de la poudre de diamant, de la fibre de carbone ou du graphène.

L’idéal serait d’utiliser une pâte thermique au graphène mais comptez 14,99€ le gramme.

4- Base Métal Liquide

Essayez d’éviter tant que faire se peut les pâtes thermiques contenant du gallium. En effet si votre dissipateur thermique est en aluminium, il se produit une réaction chimique entre les deux éléments. Le gallium est susceptible de corroder et donc de dégrader très fortement les propriétés des caloducs en aluminium qui peuvent devenir cassants.

Enfin certains fabricants peuvent utiliser une base silicone avec une huile minérale. Ce dernier point conduit directement à se pencher sur les problèmes liés à la viscosité.

Viscosité et densité de la pâte thermique

La viscosité se définit comme : la résistance d’un liquide à l’écoulement. Et son rapport à la chaleur : la viscosité diminue quand la température augmente.

Donc au cours de la vie d’une pâte thermique elle subira une succession de modifications de la viscosité résultante de la courbe des températures. Or la diminution de la viscosité peut entrainer une perte de liquide (car plus fluide et donc plus apte à s’écouler) qui à la fin du cycle de température se traduira par une diminution du volume global qui lui même créera des poches d’air. Vous devriez vous en rendre compte en monitorant les températures du processeur, et en constatant une augmentation de la température interne du die.

La viscosité de la pâte thermique a une influence sur son applicabilité sur le composant mais également sur ses performances. En effet plus la viscosité est élevée plus il sera difficile d’appliquer une couche mince. Or moins la couche sera mince plus la résistance thermique augmentera. Or la résistance thermique est inverse de la conductivité thermique.

Donc sauf cas particulier du tampon de remplissage thermique par exemple, il convient pour obtenir la couche mince la plus régulière possible, de l’étaler avec un rouleau ou une spatule. Un peu de la même façon que vous pourriez laquer un matériau. La pâte thermique doit être appliquée en couche fine sans manque et dans la mesure du possible en une seule fois.

Il existe au moins deux manières différentes d’appliquer la pâte thermique.

Humidité

Une autre raison de tenter d’obtenir la surface de pâte thermique la plus homogène possible réside dans l’humidité.

En effet le processeur va dégager une température proportionnellement à la surface de son IHS. On va alors noter l’apparition de gouttelettes d’humidité. Or l’humidité conduit l’électricité ce qui risque aussi de provoquer des dégâts sur la carte mère si des composants y sont exposés.

On recherchera donc une application uniforme qui supprimera le risque de présence de bulle d’air dans le film déposé. Il faut aussi que la pâte ne soit pas trop fluide car sinon, une fois la pression du dissipateur appliquée , elle risque de s’écouler hors de l’IHS.

Et puis sa fluidité risque aussi de ne pas lui permettre de s’accrocher suffisamment au matériau. Et tout comme l’excès, le manque est à proscrire. Il faudra donc choisir un moyen terme entre pâte thermique trop visqueuse et trop fluide.

Pour caractériser plus facilement le transfert de chaleur associé à la viscosité on utilisera un principe d’épaisseur.

  • Si la pâte thermique est appliquée en couche mince inférieure à 75 μm on privilégiera la résistance thermique (en °C/W) ;
  • Si la pâte thermique est appliquée en une couche supérieure à 250 μm on privilégiera la conductivité thermique (en W/mK) ;
  • Entre les deux on peut choisir l’incidence de l’une ou de l’autre indifféremment.

L’application en couche mince permettra également de réduire les phénomènes de pompage (changement de viscosité liée à la température, provoquant la fuite progressive de la pâte hors de l’interface).

Une autre question se pose quant au choix de la pâte thermique. Quid de la résistance dans le temps avec des cycles de montée en température et de descente. Combien de temps la pâte va-t-elle résister, et conserver ses propriétés plastiques ?

Tenue dans le temps de la pâte thermique

Il faut s’assurer tout d’abord que le volume de la pâte thermique appliquée, reste plus ou moins constant à travers les cycles de montée-descente en température du processeur. Ce facteur peut être déterminé en fonction du coefficient d’évaporation (voir pour davantage d’explications loi d’Ostwald-de Waele ) et de ressuage de la pâte.

Le ressuage permet la détermination des failles critiques et des discontinuités débouchantes sur tout métal notamment. C’est ce que l’on observe quand on sépare le dissipateur thermique du processeur au bout d’un certain nombre de cycles de température et qui se traduit par des motifs.

Autres utilisations de la pâte thermique

La pâte thermique peut non seulement être utilisée sur le Northbridge, et le Southbridge, mais également sur tous les éléments susceptibles de générer de la chaleur et pas uniquement sur la carte mère. On peut en trouver sous forme de pad dans certaines barrettes de RAM à destination des gamers notamment, mais aussi dans les cartes d’alimentation pour réduire l’échauffement de composants dont la température ne doit pas dépasser 105°C.

La photo ci dessous montre ce qu’il reste de la pâte thermique après démontage du dissipateur aluminium.

Pâte thermique après démontage du dissipateur aluminium
Pâte thermique après démontage du dissipateur aluminium