Obsolescence Programmée 0 – Consommateur 0

On entend souvent et parfois à tort et à travers l’expression d’obsolescence programmée. Quand et pourquoi l’expression est elle apparue, quelles réalités recouvre t elle, pourquoi, comment changer la donne et devenir un « consommacteur » averti et éclairé. Il serait absurde que nous évoquions autre chose que les produits informatiques, parce que notre connaissance en est limitée, même si à titre personnel nous en sommes conscient.

Obsolescence programmée, gonflement de condensateurs qui auraient du résister à une température de 105°C

1 Apparition historique du terme d’Obsolescence Programmée.

A la suite du crack boursier de 1929 aux États Unis, le terme apparait pour la première fois. Plutôt on le voit écrit dans un manifeste de Bernard London intitulé : »Ending the depression through planned obsolescence« , pour la première fois. Cependant il ne recouvre pas l’acceptation que l’on lui connait aujourd’hui.

Ce manifeste prônait la nécessité de remplacer plus tôt les matériels avant que ceux ci ne soient totalement en fin de vie. En effet la dépression ayant causé d’innombrables destruction d’entreprises et donc d’emplois, les américains usaient tous les matériels jusqu’à ce qu’ils ne soient plus en aucune manière réparables. La réparation étant moins chère que l’achat neuf d’un produit.

Or dans un pays de manufactures et d’industries, la création de nouveaux produits est la base même de la création de valeur. Préconiser le remplacement avant la fin d’utilisation était donc le moyen de tenter de relancer l’économie.

On imagine que le terme était dans l’air du temps, et qu’il n’est pas apparu ex nihilo, c’est cependant la première fois qu’il est écrit.

Il est vrai que déjà dans ces années un consortium s’était créé pour une entente sur la durée de vie des ampoules à filament afin que leur durée de vie n’excède pas 1000 heures.

On assiste donc déjà, dans le premier pays industrialisé au monde, à un changement de paradigme. L’idée selon laquelle on fabriquait un objet fait pour durer s’efface. En effet si on considère une population donnée une fois celle-ci équipée en biens domestiques divers, et que ceux ci ont une longue durée de vie, pourquoi les remplacer. Il faut donc si on veut relancer l’économie, attribuer une durée de vie aux objets. L’obsolescence programmée permet justement de pallier ce problème.

A cette époque, on trouvait encore, nombre de réparateurs dans tous les domaines. De fait on pouvait toujours à l’aide d’une pièce détachée, également fabriquée ou que l’on pouvait fabriquer soi même, réparer ou dépanner le produit. En effet les produits même complexes sont davantage un assemblage de pièces qu’un tout en un. Chaque pièce peut être considérée comme une pièce d’usure et la remplacer en fin de vie permet de retrouver les qualités intrinsèques du produit sans pour autant en acquérir un nouveau.

Mais l’idée est donc de dégrader volontairement un produit avant sa mise sur le marché, pour que sa durée de vie soit prédéterminée soit en années soit en cycles de fonctionnement.

C’est un bouleversement parce que l’artisanat vise au contraire, à fabriquer le meilleur produit possible, avec la plus longue durée de vie possible, pour que celui-ci puisse également se transmettre. Ici il n’y a ni notion de transmission, ni cette recherche de l’excellence du travail, voire même de ce que l’on nomme « l’intelligence de la main », mais plutôt de l’expression « en avoir pour son argent ». On préfigure déjà l’idée du droit de consommer pour tant.

Si on examine attentivement les choses. Il ne s’agit déjà plus de posséder mais de donner en équivalence une quantité d’argent pour une quantité de consommation d’un objet. Mais l’argent ne se dégrade pas avec le temps au contraire. Sa valeur augmente plus le temps passe. A contrario l’objet se dégrade et sa valeur diminue.

Dans l’idée on a déjà l’apparition du phénomène du leasing. Pourquoi acheter un produit qui se dégrade plus le temps passe, alors même que l’on peut le louer, et en avoir toujours un neuf à sa disposition. De fait la notion de propriété est abolie au profit de la location.

Allons plus loin et puisque la location c’est une possession pour un temps donné, mais qu’au cours de ce temps, l’utilisation n’en est pas continue, payons l’usage quand nous avons besoin. Apparition de l’auto-partage.

2 L’idée d’obsolescence programmée est elle un combat d’arrière garde ?

L’idée et le constat d’obsolescence programmée sont entrés dans le corpus législatif. Pour la défense du consommateur, on admet qu’il y a un intérêt à défendre et on punit les marques qui pratiquent l’obsolescence programmée. Mais que protège t on réellement, pourquoi, comment, et finalement qui est responsable de quoi.

Prenons l’hypothèse inverse. Tout va bien dans le meilleur des mondes et l’obsolescence programmée ne viendrait à l’idée de personne. On estimerait qu’il faut produire le meilleur produit possible pour la plus grande satisfaction et confiance du consommateur.

C’est tout à fait possible mais cela implique des choix diamétralement opposés. Ce système sera examiné plus loin.

Pour mettre à la disposition du plus grand nombre des produits toujours plus novateurs, parce que les consommateurs estiment qu’ils ont le droit de pouvoir prétendre quelque soient leur niveau financier et leur pouvoir d’achat aux mêmes produits. Ou plutôt à des produits offrant des fonctionnalités identiques.

Et que pour pouvoir servir un nombre de consommateurs toujours plus grand, il faut contraindre les prix, on ne peut que dégrader les composants de l’offre. On remet donc en cause la fiabilité des produits. La question de savoir qui est responsable de cet appauvrissement de la qualité intrinsèque des produits ne se pose pas puisque le professionnel, étant un sachant, est toujours désavantagé face au consommateur.

Je ne fais pas l’apologie du professionnel, pas plus que je ne défend le consommateur. Je constate que chacun d’eux a sa part de responsabilité dans cet état de fait. Le consommateur estimant avoir « un droit » à la consommation de produits novateurs, le professionnel estimant fournir la contrepartie du prix, par un produit correspondant à la demande.

On dira à la décharge du consommateur que celui-ci est influencé par la publicité, que font les fabricants pour promouvoir des produits toujours plus techniques, avec toujours plus de fonctionnalités. Les produits ne correspondent plus aujourd’hui uniquement à leur fonction de base. Au contraire ils embarquent nombre de fonctions plus ou moins utiles, dont l’utilité profonde reste à démontrer.

Même si je dois passer aux yeux de certains pour un pachyderme préhistorique, pour moi, un objet = une fonction. Et donc je me sers de mon mobile par exemple quasi exclusivement pour téléphoner. A la limite aucune des autres fonctions ne serait disponible sur celui-ci, je ne serais nullement dérangé.

On part d’un produit pour une fonction et on se retrouve avec tout en un. L’avantage du tout en un : son prix. On n’achète qu’un seul produit et on dispose de x fonctionnalités. L’inconvénient si la fonctionnalité tombe en panne comme elle packagée avec les autres, il y a peu de chances que vous disposiez d’un autre produit qui vous aurait semblé redondant, et donc la panne d’une fonction entraine l’impossibilité de se servir du reste.

Et au lieu d’avoir un seul produit remplissant une seule fonction en panne, vous avez toujours un seul produit en panne mais remplissant n fonctions. Donc il vous manque n produits dont vous avez besoin. Et comme ce produit vous a coûté horriblement peu cher, et que la réparation représentera sans doute 50% du prix du nouveau produit remplissant les mêmes fonctions voire davantage que le précédent en panne, on change.

Vous ne le savez pas parce que personne ne vous l’a dit mais c’est une société du prêt à jeter. Si on raisonne ainsi (et Alvin Toffler l’a fait dans le « Choc du Futur » paru en 1970…) pourquoi ne pas concevoir des robes de mariées en papier puisque de toutes façons elle ne serviront qu’une fois ?

Si l’on reprend l’exemple du téléphone, ou même d’un ordinateur car ce dernier entre davantage dans mon domaine de compétence, je ne me suis jamais servi de la totalité des fonctions dont il dispose. L’utilité de certaines m’échappe totalement.

L’idée des fabricants est de concevoir le produit le plus large possible, qui soit susceptible de convenir au plus grand nombre, pour que le coût de production puisse sans cesse être abaissé, et que l’on puisse proposer un produit toujours moins cher.

Ah j’oubliais toujours moins cher = qualité toujours plus basse. Il ne s’agit pas à proprement parler d’obsolescence programmée, mais pour le fabricant de répondre favorablement à la demande des consommateurs en proposant des produits qui corresponde à leurs attentes, et si possible de les anticiper ou de les dépasser. Alors le fabricant est il davantage responsable que le consommateur ?

Aujourd’hui on peut ne plus prétendre que le consommateur est en position de faiblesse vis à vis du fabricant sauf pour certains marchés en situation de monopole ou d’oligopole. Au contraire le consommateur est davantage éclairé qu’il ne l’a jamais été. Nombre de sites internet lui dispensent moultes conseils et recommandations voire avis client quant au produit objet de sa convoitise. Et après tout en droit français, la vente est parfaite quand il y a accord sur la chose et le prix.

En quoi l’obsolescence programmée serait elle une tromperie de la part du fabricant alors même que le consommateur ne désire pas payer un produit plus cher. Et que celui-ci a par ailleurs le choix. Le consommateur n’est nullement contraint d’acquérir auprès de tel fabricant, un produit. La multiplicité de l’offre, lui donne toute latitude pour choisir ce qu’il désire au prix qu’il est résolu à payer.

Alors l’obsolescence programmée est elle un combat d’arrière garde ? Tout dépend de la manière dont on se place. On doit cependant accepter les conséquences de ses choix. Si je choisis un produit pas cher pour des fonctionnalités proches de celles d’un autre produit beaucoup plus onéreux, je dois admettre que je sais que sa durée de vie en sera d’autant réduite et que je ne peux espérer avoir des matériaux de qualité comparable.

Toutes choses étant égales par ailleurs, c’est un peu comme si je reprochais à Dacia de ne pas utiliser les mêmes matériaux que ceux de Mercedes, alors même que la fonctionnalité du produit est identique : me permettre de me déplacer d’un point A à un point B. J’omets juste de dire que j’accepte de payer le prix de Dacia mais pas celui de Mercedes.

Aucun fabricant n’ayant jamais contraint aucun consommateur à acquérir ses produits, reprocher la faiblesse de la qualité alors que l’on a payé pour celle-ci, semble être dénué de tout fondement logique.

D’un autre côté on peut également faire le choix résolument inverse de celui de l’obsolescence programmée.

3 Des produits supérieurement qualitatifs = Pas d’ obsolescence programmée.

Je vous propose de faire le choix résolument inverse. On accepte de payer plus cher un produit, mais celui-ci durera plus longtemps, voire même sera quasi indéfiniment réparable. Je connais cette problématique j’ai travaillé en tant qu’Agent Commercial pour une entreprise allemande qui avait fait ce choix.

Voici l’énoncé du problème. On crée un produit par essence évolutif. Il est fabriqué avec les meilleurs composants dont on dispose, on ne fabrique une nouvelle gamme de produits qu’éprouvés, et le prix est beaucoup plus élevé que celui d’un produit similaire de base. Pourtant il a exactement les mêmes fonctionnalités.

Alors où se situe la différence. Premièrement c’est un produit robuste et éprouvé, oubliez la notion d’obsolescence programmée elle n’existe même pas dans ce monde où on contraire, un produit est fait pour durer, voire se transmettre quand bien même est il un produit technologique.

Je vais vous raconter une anecdote à ce sujet. En 2004 l’Armée de l’Air, nous a demandé s’il nous était possible d’assurer la réparation de matériels acquis bien des années auparavant et dont ils se servaient toujours. Parce qu’ils étaient fiables, robustes, éprouvés et connus. Et qu’il fallait pour qu’ils continuent de servir de nombreuses années les remettre à niveau et les faire entretenir par le fabricant. Pour une entreprise allemande entendre dire que son matériel est fiable est normal, le contraire en revanche … je vous laisse deviner.

Maintenant pour que vous imaginiez bien de combien d’années nous parlons, surtout dans des domaines de très haute technologie et où la sécurité en vol est capitale, je vais vous laisser calculer. Ces matériels avaient été acquis pour les essais en vol du Concorde …. (pour les plus jeunes d’entre vous …. 1969).

35 ans séparent l’achat de la réparation. Pas d’obsolescence programmée c’est sûr ! Nous pouvions assurer nos clients de disposer d’un stock de pièces de 10 ans à partir de l’arrêt de la fabrication d’un matériel.

La contrepartie est un prix d’achat beaucoup plus élevé, mais demandez donc à un propriétaire de Mercedes ou de Volvo le prix d’acquisition à l’année de son véhicule sachant qu’il va au moins parcourir 500.000 km.

L’obsolescence programmée est un choix au moment de l’achat. Soit on accepte de payer plus cher et on s’en sert longtemps, avec des pièces détachées toujours disponibles. Soit on préfère changer souvent et on accepte les pannes éventuelles même pendant la période de garantie. Soit on accepte de réparer ou faire réparer son matériel. Cette dernière solution correspondant à la raison d’être notre entreprise.

Rien n’empêcherait à l’heure actuelle de continuer à produire des matériels évolutifs, dotés de composants éprouvés, avec des garanties de 5 ans, et réparables parce que les pièces détachées sont disponibles. Oui mais …

4 L’obsolescence programmée est aussi affaire de software

Se concentrer essentiellement sur la partie matérielle (hardware) ne pose quasiment aucun problème. Mais en informatique il y a aussi la partie logicielle. Et là les choses se compliquent réellement.

On pourrait dire que dans ces conditions, l’obsolescence programmée est quasiment une obligation. Elle permet en effet de mettre au rebut des matériels parfaitement fonctionnels au demeurant mais qui ne supporteraient pas une évolution logicielle. On peut se poser la question de l’obligation de cette évolution logicielle.

Il s’agit en fait là aussi et plus encore que pour le matériel, d’obsolescence programmée. Parce que là on peut coder dans le dur la date limite d’utilisation d’un logiciel. Déterminer la date à partir de laquelle, le logiciel sera inutilisable, ou le nombre d’heures d’utilisation, de cycles, d’allumage… En fait tout ce que l’on veut et qui permet de donner une date certaine de fin d’utilisation.

Mais ce qui est étrange c’est qu’aucune association de défense des consommateurs, toujours prompte à vilipender les fabricants ne dénonce ici d’obsolescence programmée quand il est impossible de continuer à se servir d’un logiciel ou d’un système d’exploitation. Tout au plus se posera t on des questions sur Apple quand la mise à jour de leurs applicatifs est très fortement recommandée via des messages de plus en plus pressants et des rappels sur l’Apple store.

Mais les fabricants de logiciels peuvent facilement contourner l’obstacle de l’obsolescence programmée en se retranchant derrière des obligations de sécurité, de confidentialité, de nécessité pour la protection du consommateur. On n’en fait jamais assez pour la protection, dans une société prompte à rechercher à qui imputer une faute et surtout comment rentabiliser financièrement celle ci devant les tribunaux.

Donc pour se prémunir de tout tracas les éditeurs de logiciels pratiquent l’obsolescence programmée. Non qu’il soit impossible après une date de se servir d’un logiciel, mais plutôt que vous ne pourrez en aucune façon rechercher leur responsabilité.

Et comme vous voudriez éviter de perdre vos données parce que c’est bien connu on ne fait pas de sauvegardes parce que les problèmes n’arrivent qu’aux autres. Et que de toutes façons le support de l’éditeur du logiciel vous facturera très cher votre erreur d’appréciation, on préfère se prémunir et changer dès qu’on nous enjoint de le faire. Parfois même avant, on n’est jamais trop prudent. Un accident est si vite arrivé.

Peu de sociétés ont un onduleur qui leur éviteraient des déboires quand il y a un problème sur le réseau électrique. Les disques durs s’arrêtent d’un coup, les têtes de lecture viennent s’écraser sur les disques. La récupération des données risque de vous achever financièrement. Mais heureusement grâce à l’obsolescence programmée, vous aurez changé vos matériels et logiciels bien avant que tout problème ne survienne.

Finalement vous devriez remercier les fabricants de prendre si bien soin de vous.